EUROPA

Oreste Scalzone: perceptions de Nuit Debout

Oresto Scalzone commence l’entretien en précisant qu’il refuse de mener aussi bien une analyse pré-construite a priori de ce mouvement qu’un jugement synthétique a posteriori. À l’inverse, il propose une approche plus «terre à terre», descriptive, le meilleur moyen selon lui d’embrasser la multiplicité et la complexité de ce mouvement.

Initialement, avant d’aller sur la place, il était peu enthousiasmé par ce mouvement qu’il associait à l’un de ses initiateurs, François Ruffin, qu’il voyait comme «un élève de Mélenchon» à la vision très souverainiste du pouvoir, préférant se référer dans ses discours à l’expérience de la Révolution Française de 1789 et du Front Populaire plutôt qu’à celle de la Commune de 1871. De même, Frédéric Lordon, dont ses travaux philosophiques suscitent l’intérêt de Scalzone, perd selon lui en radicalité dans ses discours politiques, proches du keynésianisme de gauche.

Scalzone n’est venu que le cinquième jour sur la place de la République et a été impressionné par la foule rassemblée. L’image de cette place et du mouvement associé a alors été celle d’une fusion de dynamiques hétérogènes, impossibles à comprendre ou à synthétiser en un jugement univoque. C’est un archipel de discours et de pratiques qui se rencontrent et se mêlent à République, avec une grande charge physique, corporelle, ailleurs réprimée. C’est un mouvement selon lui qui ne doit pas être célébré hors d’un cadre géographique spécifique, ni banalisé avec snobisme. La spécificité de ce mouvement est en partie liée à la multiplicité des commissions (grève générale, féministe, politique économique, prison, sans domicile, etc.) présentes sur la place, qui ne se limitent pas à produire des discours théoriques, mais qui mènent aussi des actions concrètes dans différents lieux de Paris; en ce sens, ce mouvement réussit à aller au-delà de la ritualité de la place et de la bureaucratie de base.

Pour conclure, ce mouvement, qui est une prolifération continue et irrégulière d’expressions, énoncées et subjectives, aurait selon lui besoin de trouver une symphonie commune pour gagner en auto-détermination.